
Le gouvernement et le parlement zurichois s’inquiètent des conséquences d’une éventuelle adoption du droit à l’intégrité numérique. Le Parti pirate a en effet déposé une initiative cantonale pour inscrire ce nouveau droit fondamental dans la constitution zurichoise, comme l’ont déjà fait les cantons de Genève en juin 2023 et Neuchâtel en novembre 2024. Les autorités estiment que le texte actuel réduirait la liberté d’action de l’administration. Elles comptent donc proposer un contre-projet qui leur laissera une plus grande marge de manœuvre.
Comme à Genève et à Neuchâtel, le texte de l’initiative prévoit en effet qu’un droit à une vie hors-ligne constitue l’une des facettes du respect de l’intégrité numérique des individus. Or, le canton de Zurich a adopté une stratégie dite «digital first», qui donne donc la priorité à des prestations numérisées. L’adoption de l’initiative aurait probablement pour conséquence d’obliger les autorités à rendre de telles prestations accessibles aussi via des guichets physiques.
Le fait que le gouvernement et le parlement s’opposent à cette disposition est pour le moins révélateur. La priorité à des prestations numériques est compréhensible du point de vue de l’administration, pour qui cela peut représenter un gain d’efficience. Les citoyens n’ont toutefois rien à y gagner. Les procédures réalisées en ligne ne sont pas nécessairement plus intuitives. En général, «la numérasse remplace la paperasse», selon la formule de Florence Maraninchi. Et surtout, les prestations numérisées imposent l’utilisation d’un terminal, quand bien même chaque citoyen devrait être libre de mener sa vie sans un quelconque appareil connecté.
Une politique qui institutionnalise la discrimination
Ce d’autant plus que les autorités ne peuvent pas garantir la sécurité dans le cyberespace. Elles n’ont pratiquement aucun pouvoir sur les infrastructures actuelles du numérique. Elles dépendent en grande partie d’acteurs privés, essentiellement étrangers. Et bien souvent, les services qu’elles proposent en ligne sont infestées de traqueurs qui permettent à ces géants industriels de capter les données des citoyens. Dans de telles circonstances, aucune administration ne peut imposer aux individus d’interagir avec elle par le biais de services numériques.
La numérisation à marche forcée pousse les autorités à mettre la charrue avant les bœufs. Cette volonté d’imposer les prestations en ligne repose uniquement sur la croyance qu’il faut à tout prix tout rationaliser, et en particulier l’action de l’Etat, qui serait dispendieuse et inefficiente par nature. Cette démarche fragilise la société, elle sépare encore plus les individus, car les compétences numériques sont inégalement réparties elles aussi, tout comme l’accès aux technologies.
Ce serait donc une excellente nouvelle que l’introduction du droit à l’intégrité numérique dans la constitution zurichoise impose aux autorités locales de remettre en question leur politique de numérisation qui ne tient pas compte des intérêts de la population. Espérons que les citoyens zurichois optent pour le texte original, et non pour un compte-projet qui n’aura qu’un seul but: la déposséder de ses libertés les plus élémentaires.
N’y a-t-il pas une obligation légale de garantir l’accès aux démarches de l’administration publique de manière non numérique? Comme vous le dites, rien n’oblige qui que ce soit à avoir un appareil numérique et l’accès internet qui va avec.